Pourquoi cet article sur le déficit foncier ?
Le calcul du déficit foncier, qui peut sembler simple en apparence, cache en fait des subtilités qui échappent à la plupart des investisseurs immobiliers débutants.
C’est une des raisons pour laquelle nous avons créé le service Horiz.io : le simulateur fait les calculs de déficit foncier et de report pour vous, sans que vous ayez à y penser ! Nous pensons que personne ne devrait avoir à poser ces formules à la main lui-même.
Néanmoins, toute personne souhaitant maitriser les aspects de l'investissement locatif et devenir un expert dans le domaine doit au minimum en comprendre la mécanique.
C'est un paramètre essentiel qui permet d'améliorer le cash-flow (coût pour le propriétaire) et le rendement net du projet d'investissement.
Nous ne comptons plus le nombre de fois où l’on nous a demandé pourquoi les travaux ne se déduisent pas des salaires sur plusieurs années mais uniquement la première année. Cet article devrait éclairer tout cela.
Nous nous sommes efforcés d'utiliser les termes les plus simples et les plus clairs possibles. Si quelque chose n'est pas clair ou si vous avez des questions, n'hésitez pas à nous laisser un commentaire en dessous.
Pour éviter toute confusion, précisons qu'il s'agit ici du déficit foncier dont on peut bénéficier lorsque le ou les biens immobiliers sont déclarés sous le régime de la location nue au réel (déclaration foncière 2044). Les calculs et exemples ci-dessous ne concernent donc pas la location meublée (LMNP, LMP) ou la SCI à l'IS qui feront l'objet d'autres articles.
Le déficit foncier : origine et principe
Depuis la loi de 1993 (loi Balladur), lorsque l’on est propriétaire d’un bien immobilier qui coûte plus cher que ce qu’il nous rapporte, il se crée ce que l'on appelle un déficit foncier qui permet de déduire la différence (ou une partie de cette différence) de son revenu global (les salaires).
Il permet ainsi de ne pas être imposé sur son revenu foncier à hauteur des charges que l’on supporte, voir de réduire son impôt sur les revenus des salaires sous certaines conditions.
Le déficit foncier : qu’est-ce que c’est ?
On se trouve dans une situation de déficit foncier lorsque les charges que supporte le propriétaire d’un bien locatif (travaux de réparation, charges d'entretien, de copropriété, primes d'assurances, intérêts d’emprunt, taxe foncière…) sont plus importantes que les loyers (les recettes) qu'il perçoit.
Ce déficit est, sous certaines conditions, imputable sur le revenu global (c’est à dire les salaires dans la majorité des cas), avec un plafonnement maximum à 10 700€ par an. Ceci à la condition que le bien soit loué jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit l'imputation du déficit.
Le surplus de charges (au delà des 10 700€), ainsi que la fraction du déficit résultant des intérêts d'emprunts sont imputables sur les revenus fonciers des dix années suivantes. Un contribuable ayant réalisé un investissement locatif peut donc utiliser ce mécanisme pour faire baisser le montant de son imposition sur les revenus fonciers et donc réduire son impôt total.
Comment est imputé le déficit foncier ?
Le déficit foncier est imputé ("reporté") directement sur le revenu global (les salaires) du propriétaire pour ce qui est de la partie du déficit qui provient des dépenses déductibles autres que les intérêts d'emprunt.
On entend par “intérêts d’emprunt”, les intérêts du crédit bancaire mais pas uniquement. En effet ces charges incluent également les frais bancaires (frais de dossier, crédit logement, etc.) ainsi que les frais d’assurance d’emprunt et d’assurance du bien locatif. On préférera donc les appeler “charges financières”. C’est ainsi qu’elles sont nommées sur le simulateur d'Horiz.io.
Le traitement de la partie du déficit résultant des intérêts d’emprunt est particulier puisque celle-ci ne peut pas être reportée sur les revenus globaux (les salaires). Par contre ils sont bien déductibles des revenus fonciers et reportables pendant les 10 années suivantes pour la partie dépassant le montant des recettes.
Les charges sont imputables sur le revenu global dans la limite de 10 700€ par an (pour la partie des charges non financières). L'éventuel surplus est reportable sur les revenus fonciers des années suivantes. Le surplus éventuel de déficit foncier au delà de la limite de 10 700€ par an peut être déduit des revenus fonciers des 10 années suivantes.
Quelles sont les charges déductibles ?
Parmi les charges déductibles pour la détermination du déficit foncier on retrouve :
- les primes d’assurances,
- les dépenses de réparation,
- les travaux d’entretien du bien,
- les frais de gardiennage et de conciergerie,
- la taxe foncière,
- les charges de copropriété, etc.
Comment calculer son déficit foncier ?
Nous espérons que vous avez suivi jusqu’ici !
Nous allons maintenant essayer d’expliquer le principe avec des exemples simples et le détail des calculs. C’est la meilleure façon de comprendre comment tout cela fonctionne.
Prenons le cas d’un contribuable célibataire qui gagne 30 000€ net annuel (imposable) par son activité salariée. Il possède seulement 1 bien immobilier locatif pour la simplification des calculs.
CAS 1️⃣ : situation de bénéfice foncier, aucun déficit foncier
Le bien rapporte des revenus de loyers et supportent des charges comme ceci :
Année 1 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 1 500€ |
Charges “non financières” (travaux, taxe foncière, etc.) | 2 000€ |
1. On déduit les charges qui résultent des intérêts d'emprunt du revenu brut.
5 000 - 1 500 = 3 500€
2. Le résultat est dans ce cas positif (bénéfice). On continue donc en déduisant les charges non financières :
5 000 - 1 500 - 2 000 = 1 500€
3. Le résultat est positif, il s’agit donc là d’un bénéfice foncier. Les 1 500€ viennent s’ajouter aux revenus globaux (les salaires), ce qui fait un revenu total imposable de 31 500€.
30 000 + 1 500 = 31 500€ (*)
4. On calcule ensuite l’impôt sur le revenu par le calcul par tranches. On voit dans ce cas que le bénéfice foncier a augmenté l’imposition globale. A ce niveau de rémunération la tranche marginale d'imposition (tranche la plus haute) est de 30%, ce qui donne un montant d'impôt supplémentaire à payer de 30% * 1 500€ = 450€ auxquels il faudra ajouter les prélèvements sociaux qui se calculent sur le revenu foncier imposable donc les 1 500€. Ce qui donne 1 500 * 15.5% = 232,5€. Soit un total de 450 + 232.5 = 682,5€. Ce montant vient réduire le cash-flow puisqu'il s'agit d'une somme qu'il faudra payer.
Ce que tout investisseur cherche à faire, c'est de diminuer ce montant voir de l'inverser, afin d'optimiser au mieux son cash-flow et la rentabilité globale du projet. Nous vous expliquons cela dans les cas suivants.
CAS 2️⃣ : situation de déficit foncier, les intérêts sont inférieurs aux loyers et le déficit est inférieur à 10 700€
Le bien rapporte des revenus de loyers et supportent des charges comme ceci :
Année 1 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 1 500€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 7 000€ |
1. On déduit les charges qui résultent des intérêts d'emprunt des revenus bruts.
5 000 - 1 500 = 3 500€
2. Le résultat est dans ce cas positif (bénéfice). On continue donc en déduisant les charges non financières :
5 000 - 1 500 - 7 000 = -3 500€
3. Le résultat est négatif, il s’agit donc d’un déficit foncier. Les 3 500€ sont inférieurs au plafond des 10 700€ maximum. On les reporte donc en totalité sur les revenus globaux (les salaires), ce qui fait un revenu total imposable de 26 500€.
30 000 - 3 500 = 26 500€ (*)
4. On calcule ensuite l’impôt sur le revenu par le calcul par tranches. On voit dans ce cas que le déficit foncier a diminué l’imposition globale. Pour un taux marginal d’imposition de 30% cela donne un gain d’impôt que le propriétaire n’aura pas à payer de 3 500 * 30% = 1 050€. De plus comme on est en situation de déficit, il n'y a pas prélèvements sociaux à payer. Ils se calculent en théorie sur le résultat foncier imposable (-3500€). Comme il est négatif on doit faire 15.5% * 0 = 0€.
Dans ce cas l'optimisation a fait que non seulement le bien locatif n'apporte pas d'impôt nouveau (dû au revenus fonciers) mais en plus il a permis de diminuer l'imposition sur les salaires. L'impôt aurait été supérieur sans ce bien immobilier.
CAS 3️⃣ : situation de déficit foncier, les intérêts sont supérieurs aux loyers et le déficit est inférieur à 10 700€
Le bien rapporte des revenus de loyers et supportent des charges comme ceci :
Année 1 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 6 000€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 7 000€ |
1. On déduit les charges qui résultent des intérêts d'emprunt du revenu brut.
5 000 - 6 000 = -1 000€
2. Le résultat est dans ce cas négatif. Le déficit des intérêts d’emprunt n’est déductible que des revenus fonciers et pas des revenus globaux (salaires). C'est une particularité du calcul de déficit. On retient donc ce chiffre pour la suite. On déduit ensuite les charges non financières:
5 000 - 6 000 - 7000 = -8 000€
3. Le résultat est négatif, il s’agit donc d’un déficit foncier qui est composé pour 1 000€ du déficit des intérêts d’emprunt et du reste soit 7 000€ des autres charges. Les 7 000€ sont inférieurs au plafond des 10 700€ maximum et sont déductibles des revenus globaux. On les reporte donc sur les salaires, ce qui fait un revenu total imposable de 23 000€.
30 000 - 7 000 = 23 000€ (*)
4. On calcule ensuite l’impôt sur le revenu par le calcul par tranches classique. On voit dans ce cas que le déficit foncier a diminué l’imposition globale comme dans le cas précédent.
5. Les 1 000€ restants seront eux reportés pendant maximum 10 ans les années suivantes.
Comment fonctionne ce report ? Et bien l’année suivante deux cas peuvent se présenter :
1# Si on est en situation de bénéfice avant de déduire ce restant reporté :
Année 2 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 1 000€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 1 000€ |
Il faudra déduire ce montant en plus ce qui donne :
5 000 - 1 000 - 1 000 = 3 000€ (bénéfice) - 1 000 (reportés) = 2 000€
Cela permet donc de déduire un peu plus de charges des revenus et donc de réduire un peu plus l’impôt des revenus fonciers.
2# Si on est en situation de déficit avant de déduire ce restant reporté :
Année 2 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 5 000€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 7 000€ |
Le calcul avant report est :
5 000 - 5 000 - 7 000 = - 7 000€ (déficit !)
Dans cas on ne peut pas déduire le restant à reporter (les 1 000€) car il ne peut qu’être déduit des revenus fonciers et non des revenus globaux. Il ne peut pas venir grandir le déficit. Il sera cependant encore reporté l’année suivante et ainsi de suite (maximum de 10 ans).
CAS 4️⃣ : situation de déficit foncier, les intérêts sont inférieurs aux loyers et le déficit est supérieur à 10 700€
Le bien rapporte des revenus de loyers et supportent des charges comme ceci :
Année 1 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 2 000€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 20 000€ |
Les charges sont dans ce cas de figure importantes car le propriétaire a pu par exemple faire des travaux déductibles importants.
1. On déduit les charges qui résultent des intérêts d'emprunt du revenu brut.
5 000 - 2 000 = 3 000€
2. Le résultat est dans ce cas positif. On déduit ensuite les charges non financières:
5 000 - 2 000 - 20 000 = -17 000€
3. Le résultat est négatif, il s’agit donc d’un déficit foncier déductible en théorie des revenus globaux (salaires). Cependant les 17 000€ sont supérieurs au plafond des 10 700€ maximum autorisés par la loi. Dans ce cas on ne peut déduire que 10 700€, le maximum permis.
30 000 - 10 700 = 19 300€ (*)
4. Les 6 300€ restants (17 000 - 10 700) seront eux reportés pendant maximum 10 ans les années suivantes.
Comment fonctionne ce report ? Et bien l’année suivante deux cas peuvent se présenter :
1# Si on est en situation de bénéfice avant de déduire ce restant reporté:
Année 2 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 1 000€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 1 000€ |
Il faudra déduire ce montant en plus ce qui donne :
5 000 - 1 000 - 1 000 = 3 000€ (bénéfice) - 6 300 (reportés) = -3 300€
Mais on ne peut pas créer de déficit reportable sur les revenus globaux avec les charges reportées des années précédentes. Donc on doit s’arrêter à 0€ au mieux (annulation des revenus fonciers). Les 3 300€ non utilisés continuent à être reportés les années suivantes en appliquant toujours le même principe de calcul.
Cela permet donc de déduire un peu plus de charges des revenus et donc de réduire un peu plus l’impôt des revenus fonciers mais sans pouvoir aller plus loin avec un report qui viendrait réduire les revenus globaux en plus comment cela peut être fait la première année.
2# Si on est en situation de déficit avant de déduire ce restant reporté:
Année 2 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 5 000€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 7 000€ |
Le calcul avant report est :
5 000 - 5 000 - 7 000 = - 7 000€ (déficit !)
Dans cas on ne peut pas déduire le restant à reporter (les 6 300€) car il ne peut qu’être déduit des revenus fonciers et non des revenus globaux. Il sera cependant encore reporté l’année suivante et ainsi de suite en appliquant le même principe.
CAS 5️⃣ : situation de déficit foncier, les intérêts sont inférieurs aux loyers et le déficit est inférieur à 10 700€ mais les salaires ne permettent pas d'absorber tout le déficit
Ajoutons maintenant une complexité supplémentaire. Imaginons que le propriétaire ne gagne pas 30 000€ de salaire net annuel mais 5 000€.
Reprenons l’exemple où les charges sont importantes du fait de travaux déductibles.
Le bien rapporte des revenus de loyers et supportent des charges comme ceci :
Année 1 | |
Revenus bruts (loyers) | 5 000€ |
Intérêts d’emprunt (“charges financières”) | 2 000€ |
Charges (travaux, taxe foncière, etc.) | 20 000€ |
1. On déduit les charges qui résultent des intérêts d'emprunt des revenus bruts.
5 000 - 2 000 = 3 000€
2. Le résultat est dans ce cas positif. On déduit ensuite les charges non financières:
5 000 - 2 000 - 20 000 = -17 000€
3. Le résultat est négatif, il s’agit donc d’un déficit foncier déductible en théorie des revenus globaux (salaires). Cependant les 17 000€ sont supérieurs au plafond des 10 700€ maximum autorisés par la loi. Dans ce cas on ne peut déduire que 10 700€, le maximum permis.
5 000 (salaires) - 10 700 = -5 700€ (*)
4. Le résultat est négatif. On voit ici que les salaires sont inférieurs au montant que l’on est autorisé à imputer. Les salaires ne peuvent plus “absorber” tout le déficit généré. Dans ce cas précis, le restant, c’est-à-dire 5 700€ n'est pas complètement perdu et peut être reporté directement sur les revenus globaux (les salaires) des années suivantes pendant au maximum 6 ans.
5. Et toujours comme précédemment, les 6 300€ restants (17 000 - 10 700) seront eux reportés sur les revenus fonciers (les loyers) pendant maximum 10 ans les années suivantes comme expliqué dans le CAS 4.
(*) dans la réalité ce n’est pas exactement 30 000€ mais 30 000€ moins un abattement de 10% forfaitaires pour frais (si on choisit le mode forfaitaire et non le réel) et éventuellement une prise en compte des parts fiscales si on a des enfants, d’une situation de parent isolé, etc. Le but ici n’est pas de rentrer dans le détail du calcul de l’impôt qui pourra faire l’objet d’un autre article.
Les différents textes de lois qui régissent l’encadrement du déficit foncier
- Code général des impôts : article 156-1-3°.
- Loi de finances pour 1993 : mise en place du dispositif permettant d'imputer les déficits fonciers des revenus globaux jusqu'à 10.700 €.
- Instruction administrative du 15 septembre 1993 BOI 5-D-3121 : instruction administrative précisant comment imputer ces déficits sur les revenus globaux.
- Loi de finances pour 2004 (loi 2003-1311 du 30 décembre 2003, JO du 31) : loi qui porte le délai d'imputation sur le revenu global de 5 à 6 ans.