Expulser un locataire pour trouble du voisinage : définition
Il est important de bien comprendre comment la loi définit “un trouble du voisinage”. Mais également, quels sont les différents troubles existants et quelles sont les conditions pour pouvoir expulser un locataire pour trouble du voisinage.
Troubles du voisinage : définition
Les troubles du voisinage sont définis comme des nuisances diverses qui sont générées par une personne, ou par des choses dont elle est responsable, causant ainsi des désagréments aux personnes vivant à proximité. Or, un locataire est dans l’obligation d’occuper raisonnablement son logement. Sinon, il est possible d’expulser un locataire pour trouble du voisinage.
Troubles de violence
Un locataire faisant preuve d’un comportement agressif, violent ou encore injurieux peut être considéré comme responsable de trouble du voisinage. Lors du passage au tribunal pour constater le trouble, le juge prendra également en compte le degré de violence et la répétition des actes. Est-ce un incident isolé ou bien un comportement quotidien ? Le locataire était-il alcoolisé ? A-t-il blessé quelqu’un ? Ces interrogations lui permettront de faciliter sa prise de décision. Toujours est-il que la violence est un motif pour expulser un locataire pour trouble du voisinage.
Troubles de nuisances sonores
Un locataire faisant preuve de nuisances sonores de jour ou de nuit (ou les deux) peut être considéré comme responsable de troubles du voisinage. Cela peut être des cris, de la musique ou encore des aboiements de chien.
Pour juger s’il y a atteinte ou non au voisinage, le juge prend en compte la durée, la fréquence et l’intensité des nuisances. Ainsi, un bruit intensif, répétitif et qui perdure dans le temps est un motif pour expulser un locataire pour trouble du voisinage.
Lorsque le bruit intervient de nuit, l’infraction pour tapage nocturne est légitime. Nul besoin d’attendre un juge pour cesser ces nuisances. La police peut directement être contactée. Pour un tapage nocturne, il n’est pas nécessaire que le bruit soit répétitif, intensif et perdure dans le temps. Le document d’intervention pour tapage nocturne servira de preuve pour une procédure judiciaire.
Bon à savoir : L’article 1719 du Code civil indique que le propriétaire bailleur est aussi garant de la tranquillité du locataire, y compris si les nuisances proviennent de l’extérieur : "Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail".
Troubles de nuisances olfactives
Un trouble de nuisance olfactive se caractérise par des odeurs nauséabondes venant déranger le voisinage. Une litière sale ou encore des ordures rentrent dans cette catégorie. Comme pour les autres troubles, une odeur désagréable persistante et récurrente peut être un motif pour expulser un locataire pour trouble du voisinage.
Également, peuvent être liées aux troubles de nuisances olfactives, les cendres ou la fumée d’un barbecue ou de tout autre matériel brûlé qui à plusieurs reprises se sont retrouvées dans les logements d’autres locataires, ou bien ont abîmé la surface de leur bien.
Troubles de nuisances visuelles
Les troubles de nuisances visuelles sont mis en cause lorsque la vue d’un voisin est perturbée. Par exemple, une installation qui gêne la vue du balcon, une œuvre installée dans un couloir sans autorisation, etc.
Dégradation ou encombrement des parties communes
Dans une copropriété, tous les locataires ont des parties communes à disposition telles que les couloirs, les cages d’escaliers, les ascenseurs ou encore un jardin collectif. Dégrader ces parties ou les encombrer avec du matériel (vélo par exemple), sont des motifs d’expulsion.
Le non-respect du règlement de copropriété
Le règlement de copropriété est un document définissant les règles de fonctionnement de l’immeuble ainsi que les droits et obligations des locataires. Le syndic est responsable de son application. Un non-respect répétitif et volontaire de ce règlement est un motif pour expulser un locataire pour trouble du voisinage.
Attention, tous ces troubles sont valables uniquement sous présentation de preuves (témoignages, pétitions, …). Sans quoi, le juge ne pourra pas juger d’un comportement anormal et abusif.
Expulser un locataire pour troubles du voisinage : comment s’y prendre
En tant que propriétaire, c’est à vous d’agir pour raisonner votre locataire. Avant d’en venir à l’expulsion, vous avez d’autres cartes à jouer. Nous vous les expliquons.
Discuter à l’amiable
Premièrement, commencez par discuter avec votre locataire. Vous pouvez lui envoyer une lettre pour lui expliquer la situation. Dans cette lettre, demandez lui un rendez-vous pour en discuter. Ne venez surtout pas chez lui sans le prévenir. Ce serait enfreindre ses droits et cela vous causerait du tort. Il pourrait se retourner contre vous et porter plainte.
Si vous avez une réponse à votre lettre et qu’un rendez-vous est convenu, expliquez lui précisément les raisons des plaintes. Faites lui comprendre qu’une résiliation de contrat peut être encourue si ces nuisances perdurent. Si vous n’arrivez pas à lui faire entendre raison, vous pouvez contacter un médiateur pour discuter avec lui.
Si jamais vous n’avez pas de réponse à votre lettre au bout de 2 mois, alors vous pouvez envoyer une mise en demeure avec accusé de réception.
Le médiateur
Un médiateur est un professionnel des conflits. Son travail est d’aider à trouver un accord personnalisé, rapide et durable entre deux parties. Dans le cas de troubles du voisinage, faire intervenir un médiateur pour votre locataire peut être intéressant. En tant que professionnel, il saura mieux que vous trouver les mots, les bons arguments pour faire comprendre la situation à votre locataire et lui faire entendre le point de vue des voisins.
En effet, il s’agit d’une personne neutre, indépendante et impartiale qui est formée à la gestion des conflits. De plus, la médiation est un processus purement confidentiel. Aucune parole dite pendant la séance ne peut être utilisée à des fins juridiques. Il faut l’accord des deux parties pour cela. Il est tout à fait possible également pour le médiateur de s’entretenir individuellement avec chaque partie. Les informations recueillies ne seront alors jamais communiquées à l’autre partie. À savoir que les deux parties se doivent de répondre aux questions du médiateur, mais peuvent décider d’interrompre à tout moment la séance.
Le médiateur n’est pas là pour trancher le litige, mais pour permettre une meilleure communication et compréhension des deux parties. Il ne peut pas non plus imposer une solution. Il en propose dans l’espoir d’en trouver une qui conviendrait aux deux parties.
Lorsqu’une médiation est initiée par vous et donc par les parties, on parle de médiation conventionnelle. Cependant, sachez que le juge peut proposer une séance de médiation aux deux parties pendant une procédure judiciaire. Libre à elles d’accepter ou de refuser.
Connaître toutes ces informations sur le rôle d’un médiateur est important. Vous pourrez ainsi répondre à toutes les interrogations de votre locataire si la question de la médiation se pose pendant le litige.
Si la mise en place du médiateur n’a pas eu de fin concluante, vous allez devoir passer à des méthodes un peu plus radicales.
La lettre de congé
Si vous vous rendez compte que le terme du bail de location est proche, alors vous avez une solution idéale à portée de main. En effet, il vous suffit de rédiger une lettre de congé pour motif légitime et sérieux. Votre locataire ne respectant pas son obligation d’user paisiblement du logement, vous avez le droit de lui donner congé. Attention toutefois, vous devez respecter la mise en forme de cette lettre, sinon quoi elle n’aura aucune valeur juridique. Ainsi, vous ne pouvez transmettre cette lettre que de trois façons :
- une lettre recommandée avec accusé de réception
- un acte d’huissier de justice
- une lettre remise en mains propres contre émargement ou récépissé
De même, vous avez obligation de respecter le délai de préavis obligatoire. Vous devez donc envoyer la lettre :
- 6 mois avant la fin du bail pour un logement non meublé
- 3 mois avant la fin du bail pour un logement meublé
Le délai de préavis est effectif dès réception de la lettre de congé.
La résiliation du contrat de bail
Les démarches de résiliation du contrat de bail pour expulser un locataire pour troubles du voisinage vont dépendre de la présence d’une clause résolutoire ou non. Avant cela, vous aurez envoyé une mise en demeure avec accusé de réception à votre locataire. Sans réponse ou changement de comportement, vous pouvez entamer une procédure de résiliation de bail.
La résiliation du contrat de bail avec clause résolutoire
La clause résolutoire est une clause définissant les conditions vous donnant droit de résilier le bail si votre locataire ne les respecte pas. La clause résolutoire est à la base effective uniquement pour :
- les non-paiements de loyers + charges
- le non-versement du dépôt de garantie
- le défaut d’assurance locative
La loi du 5 mars 2007 inclut maintenant les troubles du voisinage à partir du moment où ces derniers sont reconnus par le juge.
Cette clause permet de résilier le contrat immédiatement. Vous devez toutefois saisir le tribunal d’instance pour faire constater la résiliation du bail. Pour cela, le juge doit confirmer qu’il y a bien eu trouble anormal de voisinage. Ensuite, vous pouvez immédiatement utiliser la clause résolutoire pour mettre un terme au bail de votre locataire.
La reconnaissance des faits par le juge est une démarche obligatoire pour pouvoir faire valoir votre clause résolutoire. Une action en justice doit donc être menée. Cette action ne doit pas obligatoirement avoir été lancée par vous. Elle peut découler d’une autre personne comme un voisin. Mais, vous avez tout à fait le droit d’utiliser par la suite la décision du juge pour utiliser la clause et expulser le locataire pour trouble du voisinage.
La résiliation du contrat de bail sans clause résolutoire
Si votre contrat de bail ne possède pas de clause résolutoire, vos démarches seront plus longues.
Vous devez formuler une demande auprès du juge pour résilier le contrat de location. Le juge doit alors prendre conscience et reconnaître le trouble du voisinage, puis il prononcera la résiliation du contrat de location.
Dans les deux cas, une fois la résiliation du contrat prononcée, elle est effective le jour même. Sachez également que cette résiliation est valable tant pour le locataire que pour les sous-locataires (s’il y en a).
Attention : certains locataires sont protégés de la résiliation du bail. Vous n’avez pas le droit de donner congé à un locataire :
- qui a plus de 65 ans et dont les ressources sont inférieures aux plafonds applicables au Prêt Locatif à Usage Social.
- de n’importe quel âge ayant fiscalement à charge une personne de plus de 65 et dont la somme des ressources annuelles est inférieure à ces mêmes plafonds.
Mais si :
- vous êtes vous-même âgé de plus de 65 ans,
- vos ressources sont inférieures aux plafonds mentionnés,
- vous proposez une solution de relogement à votre locataire dans un périmètre géographique de 5 km du logement,
Alors, vous avez le droit de donner congé à votre locataire.
L’expulsion du locataire
Une fois la résiliation du bail prononcée, si le locataire refuse de quitter le logement malgré l’obligation du juge, vous pouvez expulser votre locataire pour trouble de voisinage.
L’huissier de justice délivre alors un commandement de quitter les lieux. À partir de cette date, votre locataire aura 2 mois pour quitter le logement ou bien pour saisir le tribunal d’instance pour demander un répit ou contester.
À la fin de tout délai, l’huissier procède à l’expulsion du logement.
Attention, l'huissier ne peut intervenir que du lundi au samedi entre 6h et 21h, hors jours fériés et trêve hivernale (du 1er novembre au 31 mars) pour expulser le locataire.
Votre ex-locataire se doit d’indiquer où il souhaite stocker ses meubles. En cas de non-communication à ce sujet, le procès-verbal d’expulsion indiquera le lieu où ils seront déposés. Il aura alors 1 mois pour les récupérer. S’il ne les récupère pas, ils seront mis aux enchères. Les fonds récupérés vous seront versés en gage de compensation pour les problèmes occasionnés.
En cas d’absence ou de résistance du locataire (la date est communiquée en amont), l’huissier se doit de dresser un procès de tentative d’expulsion. Seul le préfet peut décider de l’intervention des forces publiques :
- en cas de refus (2 mois sans réponse valent un refus), vous avez pour seule solution de demander une action en justice pour obtenir une indemnisation de l’État.
- en cas d’accord, l’huissier peut intervenir avec un serrurier et un policier afin de changer les serrures de votre bien.
Attention, n’agissez jamais seul ! Si vous entrez chez votre locataire sans autorisation, vous êtes coupable de violation de domicile.
De même, si vous expulsez seul votre locataire, vous êtes coupable d’un délit d’expulsion illégale. Vous risquez alors 3 ans de prison et 30 000€ d’amende !
Expulser un locataire pour trouble du voisinage : inaction du bailleur
Votre locataire est le principal responsable des troubles causés à son voisinage. Mais, en tant que propriétaire du logement, vous vous devez d’engager une procédure pour cesser ces nuisances.
Tout d’abord, vous serez informé des nuisances par une mise en demeure sous la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Ce document uniquement a une valeur juridique. Un appel, un mail ou une simple lettre sans accusé de réception ne vaut rien. Cette mise en demeure vous sera envoyée par les voisins ou bien le syndic si le trouble du voisinage est dû à un non-respect du règlement de copropriété.
Ce courrier doit être justifié à l’aide d’éléments précis :
- témoignages
- pétition
- constat d’un huissier
- procès verbal dans le cas de nuisances sonores constatées par la police
Par cette lettre, on vous demande d’intervenir pour mettre fin au comportement abusif de votre locataire.
Cependant, si vous restez inactif face à ce trouble, toute personne victime des nuisances de votre locataire pourra vous demander réparation. Vous êtes responsable des agissements de votre occupant. Ce fait est encadré par un arrêt du 17 avril 1996 n°94-15.876, indiquant que “la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location, peut en demander réparation au propriétaire du locataire qui est à l’origine des troubles anormaux de voisinage”. Cet arrêt est un cas de responsabilité de plein droit pour permettre de faciliter la prise en charge des victimes de troubles du voisinage.
Les personnes victimes des nuisances vous demanderont de l’argent en contrepartie des dommages. Pour un litige inférieur à 10 000€, vous serez convoqué au tribunal d’instance. Pour un litige supérieur à 10 000€, vous serez convoqué au tribunal de grande instance.
Toutefois, si vous arrivez à prouver que vous avez tout mis en place pour cesser les nuisances provoquées par votre locataire, vous disposez d’un recours pour obtenir réparation.